LA PETITE FILLE ET LE JARDINIER (suite).
1955
LA DESPOTE (suite)
Antoinette n’eut pas très longtemps à attendre sa réponse, une petite fille aux tresses dorées et aux yeux rieurs fit soudainement son apparition.
-Morning mam !
La femme se contenta de répliquer un « Morning ! » cependant, aucun geste maternel n’accompagna ce réveil matinal.
– Antoinette, je vous présente notre fille Emma.
La froideur de leur échange mis mal à l’aise Antoinette qui posa discrètement la main sur ce ventre porteur de vie puis, s’effaça pour laisser passer la petite fille.
– Bonjour Emma.
La petite fille à la voix douce s’adressa à elle dans un français dénué d’accent.
– Bonjour Antoinette.
La fillette n’avait guère plus de huit ans, les pieds nus, portée par le vent de la musique, elle sautillait avec grâce sur l’échiquier que formaient les dalles noires et blanches du couloir. Sa robe de chambre au couleur pastel brodée à ses initiales E B était entrouverte et, flottait dans l’air dans un mouvement ondoyant laissant apparaitre un pyjama à pois blanc et rose.
– Venez Antoinette nous allons suivre Emma jusqu’à la cuisine ; je vais vous présenter à Paule notre cuisinière.
– Bien Madame,
La femme sentit le regard clair et interrogateur d’Antoinette se fondre sur ses épaules, un geste invisible cependant amical pour lui rappeler son manque de chaleur à l’égard de cette jeune enfant qui faisait monter le rire. Pour cacher son malaise, elle se mit à parler de son mari très investi dans ses missions qui l’éloignaient à maintes reprises de son foyer. Elle se justifia en expliquant sa tâche écrasante ; durant ces nombreuses absences prolongées, elle gérait la maison et le personnel, s’occupait seule de l’éducation de leur fille, assistait à des mondanités et s’occupait d’associations caritatives.
Antoinette en déduisît que, concentrée sur les multiples obligations que revêtait son rôle d’épouse d’officier supérieur, elle n’avait que peu de temps à accorder à la tendresse et aux sentiments, elle fardait son âme derrière une épaisse couche de fond de teint et tentait ainsi de dissimuler un grand désert affectif. Au fil du temps, la raison l’avait sans doute emporté sur les sentiments, l’égo vainqueur de ce cette guerre exposait au regard des autres son masque sombre de guerrier solitaire.
Depuis combien de temps se mourait-elle d’amour ? Son sacrifice pour orner la généreuse poitrine de son mari d’une décoration supplémentaire valait-il vraiment la peine ? Antoinette conclut qu’elle payait sans doute sa dette d’humanité le plus dignement possible. Elle ne se laissa pas aveugler devant sa futur patronne et se gardât bien de la mépriser, toutefois Antoinette ressentait une profonde tristesse et commençait à se demander si elle pourrait tenir longtemps dans une telle ambiance ? A son tour, elle déguisa ses émotions et emboita le pas à cette petite troupe hétéroclite
Une femme potelée à la chevelure couleur métal les attendait dans la spacieuse cuisine. (à suivre)
Bonjour Monique,
A la lecture de ce texte…..je retrouve dans la maitresse de maison……une femme similaire de ma famille……ma propre arrière- grand-mère paternelle …….issue de la Bourgeoisie de l’Epoque…..ses enfants la vouvoyaient….
Une femme qui menait la Famille avec un gant de fer…….
J’avoue qu’étant enfant cette femme me faisait peur…..il ne fallait pas bouger ….rester assis dans son petit coin sans jouer…..
Et attendre pendant des heures que la visite finisse……
Gros bisous…..
Jacques